luni, 10 decembrie 2007

Paris en technicolor !






Paris et le noir et blanc, une histoire entendue. Et en tout cas, beaucoup vue. C’est oublier que la capitale fait également belle figure en couleurs. Prenant prétexte du centenaire de la commercialisation de l’autochrome par les frères Lumière, l'hôtel de ville de Paris propose de raviver l’image de la cité. Paris en couleurs, des frères Lumière à Martin Parr, une exposition-déambulation dans les rues de Paris sous un jour nouveau. Et pour le moins inattendu. C’est la découverte d’une ville très bigarrée, plus colorée il y a un siècle qu’aujourd’hui, par exemple. C’est le témoignage, soudain rendu plus flagrant en couleurs, de l’inexorable métamorphose du paysage urbain. C’est encore l’exhumation de noms de photographes étrangers qui ont aussi contribué à écrire la légende de Paris. Les couleurs de la ville, un précipité d’histoires entre mémoire et célébration. Année 1914, un marchand de couleurs à l’angle de la rue Lepic et du boulevard Rochechouart. Sur la devanture, du rouge, du vert, du bleu, du jaune. Bref, une palette XXL qui accroche l’œil mieux qu’une enseigne ! Et nous retient encore aujourd’hui, nous le visiteur contemporain totalement ébloui devant cette débauche de tons, à même le mur de l’immeuble. L’on aurait plongé l’image traditionnelle du Paris en noir et blanc dans un bain de couleurs que la révélation n’aurait pas été plus renversante. Car avec Paris en couleurs, c’est sous un jour nouveau que la capitale s’offre à notre regard.
Une époque, une couleur
Mais d’abord rendre aux frères Lumière ce qui leur appartient. En l’occurrence l’invention, en plus du cinématographe, de l’autochrome dont la commercialisation débuta en juin 1907. Et ce procédé de photographie des couleurs a tout de suite séduit professionnels et amateurs. Ainsi que le banquier et mécène Albert Kahn sans lequel les autochromes ne nous seraient peut-être pas parvenus dans l’état où l’on peut aujourd‘hui les découvrir. Entre 1909 et 1931, il financera notamment des reportages photographiques dans 50 pays dont la France et principalement Paris. « On a pris prétexte de ce centenaire pour retracer l’évolution de la photographie en couleurs de 1907 à nos jours, et par ce biais, montrer les différents visages de Paris, selon les époques », explique Virginie Chardin, la commissaire de l’exposition. Un double sujet qui raconte tout bonnement les transformations de Paris, sur un siècle.
Un puzzle ethnographique
Et premier effet magique de la couleur, « on reconnait très bien Paris. On a l’impression que rien n’a changé alors qu’en réalité, tout a changé. Beaucoup de choses ont disparu ». Comme on peut le constater aux petits détails que la couleur tend à mettre en exergue, à l’inverse du noir et blanc, plus masquant. Les vêtements, les enseignes, les affiches de cinéma, les voitures, les usines en plein cœur de la ville, les potagers aux abords du quai d’Auteuil, à deux pas de la Tour Eiffel, les marchandes de quatre saisons avec leurs carrioles débordantes de bananes et autres pommes de terre, les enfants dans les rues… Autant d’indices qui renvoient sans l’ombre d’un doute à une époque révolue. Mais pas le moins du monde, couleur sépia. C’est même l’inverse, les rares voitures qui traversent l’image arborent toutes des couleurs pétantes. « Ces éclats de couleurs rendent d’ailleurs les scènes photographiées incroyablement vivantes », poursuit Virginie Chardin avant d’ajouter que « ces témoignages ont un aspect très sociologiques voire ethnographiques ». Nulle théâtralisation en effet, juste des clichés pris sur le vif qui nous en disent beaucoup sur les habitudes, les métiers aujourd’hui disparus à l’instar de ce formidable cliché de Léon Gimpel (1873-1948), l’un des reporters les plus brillants de son époque, du marché des Halles pris en 1914. On y est, manque juste le son !
Paris vu par les étrangers
A partir des années 30, « la photographie en couleurs passe dans une autre ère, avec les premières pellicules et les débuts de la photographie sur support souple ». Sa diffusion, via les magazines, et notamment au lendemain de la Seconde guerre mondiale Vogue, devient plus importante. Les sujets changent, les photographes s’intéressent à la mode, à la publicité, aux portraits comme le rappellent ceux, fameux, de Gisèle Freund, au reportage aussi. Et ce n’est pas tant les photographes dits « humanistes », les Boubat, Ronis, Brassaï et autres Charbonnier même s’ils se sont essayés à la couleur, qui s’illustrent alors que les étrangers. Ainsi de Robert Capa qui, en 1948, prendra Paris comme décor pour ses images de mode, de l’Autrichien Ernst Haas, de l’Allemand et grand amoureux des femmes et des bistrots Peter Cornelius (l’une des découvertes de l’exposition), et surtout du Japonais Ihei Kimura dont l’originalité confère à ses photographies une espèce d’intemporalité assez remarquable. « Paris en couleurs permet quand même de réaliser que des photographes comme Robert Doisneau et Marc Riboud ont également pas mal travaillé en couleurs. Plus en tout cas qu’on ne l’imagine », précise Virginie Chardin. Témoin cette série qu’effectuera Doisneau en 1958 consacrée aux affiches parisiennes. Un festival de couleurs et de réclames qui monte parfois jusqu’au 3e étage des immeubles, nous faisant quasiment regretter ce monde d’avant l’interdiction d’affichage sauvage.
Années 70, un nouveau paysage urbain.
Avec les années 70, Paris change assez radicalement de visage. Riboud et Doisneau seront là d’ailleurs pour immortaliser les grands chantiers de l’époque Pompidou, la destruction des Halles et la construction de Beaubourg. « Je tenais, insiste la commissaire de l’exposition, à montrer ces images car ces deux chantiers vont définitivement modifier la vie dans le centre de la capitale ». Comme elle souhaitait revenir sur Mai 68 autrement qu’en noir et blanc, « l’événement est tellement photogénique avec toutes ces débordements de couleurs ». Quoi qu’il en soit, le recours à la couleur, encore rare dans les années 60, est devenu vingt ans plus tard totalement banal. La réflexion des photographes contemporains tels que le Britannique Martin Parr, l’Américain Joël Meyerowitz, l’Italien Massimo Vitali portent donc sur la représentation du paysage urbain.
La couleur s’estompe
Les clichés de ces photographes, si elles rendent à merveille les couleurs en raison du perfectionnement des outils aujourd’hui disponibles que l’on songe au numérique, renvoient aussi, paradoxalement, l’image d’une ville plus terne, « plus grise », selon Virginie Chardin. « En un siècle, poursuit-elle, Paris a peu changé du point de vue architectural, en revanche ce qui frappe, c’est que la ville est devenue plus uniforme avec notamment l’obligation de ravaler les façades. Paris est donc moins sale mais moins colorée, aussi ». Presque moins vivante, serait-on même tenté d’ajouter. Moins pétillante en tout cas. D’où, au terme de l’exposition, cette drôle de sensation ambivalente qui saisit le visiteur, coincé entre la nostalgie pour une époque où les bâtiments, les voitures, les vêtements s’habillaient de couleurs pétantes et l’éblouissement devant la beauté plastique de la capitale qui, parée de ses plus vifs atours, réussit une fois encore le tour de force de nous en faire voir… de toutes les couleurs.

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